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ANANDWAN. La Forêt JoyeuseUn film de Louis CAMPANA
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ANANDWAN.
La Forêt Joyeuse.
Documentaire vidéo sur un Village de Lépreux, fondé par un disciple de Gandhi au début des années 50.
Ecriture et conception : Louis CAMPANA.
A l’heure de la Mondialisation, des exclus d’un système de riches, s’organisent dans une république de villages, sous l’influence de la philosophie gandhienne.
1950, dans l’Inde, à peine libérée et suite au choc terrible de l’assassinat de Gandhi, un jeune homme, de famille aisée de fonctionnaires, refuse la vie facile que sa famille lui planifie. Il veut servir les pauvres et croit à la révolution non-violente. Son credo réside en quatre points:
L’abolition du systèmes des castes, (aboli par le Congrès en 1947).
L’indépendance économique par la constitution de la république des villages indépendants chargés de gérer l’autonomie et les besoins propres (agriculture, éducation, santé, artisanat et petite industrie, etc).
La défense des droits de la Femme.
Un slogan simple : «La Force est entre nos mains».
Rejeté par sa famille, embarrassée des choix de ce fils embrassant les idées gandhiennes, lesquelles sont respectées parce qu’émanant du MAHATMA, mais combien suspectées de déséquilibrer un système féodal bien en place, Baba Amté se retrouve seul, avec sa femme , deux enfants et trois lépreux, à la rue. Cette nouvelle situation ne le gène guerre et fort de ses convictions, il réclame 200 hectares de désert, en plein centre de l’Inde, pour créer un centre d’accueil de lépreux.
Cinquante années plus tard, un village fort de 4000 habitants. Les lépreux, ex-rejetés d’un système organisent, inventent et animent toutes sortes d’ateliers et de cultures. Autant de découvertes à faire que d’ateliers, où les mains, les pieds, les corps mutilés enseignent les métiers aux bien-portants ou aux accidentés de la route, aux aveugles ou aux sourds muets. « La Force est entre nos mains » n’est pas un slogan politique, vidé de son sens par des appareils, c’est une direction de vie quasi spirituelle, mais pour éviter d’ajouter à l’handicap de la lèpre qui ronge une autre contrainte, on y vit sans ascèse, pauvrement, certes, mais dans un esprit festif, sans stress et sans souci. Pour cela, Baba Amté, avec ses deux fils, médecins et ses deux brus, médecins elles aussi, veille à ce que la vie de chacun soit à la fois digne et responsable. Ici, on a banni le mot « charité » lorsqu‘il est associé à mendicité. Cette attitude est présentée comme le manque de liberté absolu, c’est faire de soi-même un dépendant, alors que « la Force est entre nos mains » et il est demandé à chacun de le prouver…Ainsi les ateliers et les champs sont devenus des lieux de création et de récréation, avec les symboles nécessaires : chacun travaille pour le bonheur de l’autre et reçoit en retour. N’est-ce pas dingue ? N’est-ce pas une leçon, une communion ? « Mon handicap est une force que je te donne ! » ANANDWAN, La forêt Joyeuse.
Tout lépreux déclaré est un homme ou une femme socialement mort. Même guéri, aucune chance de réintégrer la société ni même la famille. Conscients de ce problème lié aux mœurs et aux traditions, les fondateurs ont proposé aux lépreux guéris de fonder eux-mêmes des familles, en leur permettant l’acquisition d’une maison sur le domaine et une vie autonome avec budget privé. Et çà marche, des enfants naissent, sains, et une maternité a été construite.
Estrait de « Notes de Voyage » Campana Louis Août 1999.
La cité du sourire.
Au début des années cinquante, un fils de grand propriétaire, rejeté par ses parents pour ses attaches gandhiennes, marié et père de deux garçons, se retrouve à la rue avec quatorze roupies en main, sa petite famille et les cinq lépreux qu'il avait pris sous sa protection. Ce haut fonctionnaire soudainement sans domicile fixe ne s'émeut pas pour autant et fort de son amour pour les autres, entreprend auprès de l'Etat une demande de terre pour installer les siens. A cent kilomètres de Wardha, au sud-est, là aussi au milieu de rien, un désert plat sur une ancienne zone de jungle surexploitée par l'occupant anglais, on lui céde 500 acres de terre (environ 200 hectares).
Quelques cinquante années plus tard, ce sont plus de quatre mille personnes qui vivent dans "la Forêt joyeuse". Baba Amte le fondateur voulait en lui donnant ce nom reconstruire un village traditionnel sur un lieu dévasté par l'avidité humaine et contrairement aux ashrams de pure observance gandhienne, trop sévères et austères, susciter une communauté gaie et souriante. Il considère que la lèpre est un handicap suffisamment étouffant pour qu'il ne soit besoin d'y ajouter une quelconque forme d'abnégation, fût-elle d'ordre spirituel. Ses deux fils, après des études de médecine, l'ont rejoint ainsi que leurs épouses, elles-mêmes médecins et tout ce monde avec de nouveaux venus consacre son temps aux soins des malades, et de tous les malades c'est-à-dire tout ce qui à l'entour a besoin de « restauration ». Ainsi les humains, mais aussi les animaux, la forêt et les arbres plantés par milliers chaque année. C'est aussi l'élaboration réfléchie de cultures vivrières et traditionnelles pour que tout l'ensemble soit en harmonie, beau et accueillant. Mission accomplie.
Ce sont les lépreux qui, après avoir été secourus, ont entrepris de secourir à leur tour. Ils sont responsables des ateliers. Couturiers et tailleurs aux moignons rétrécis mais extrêmement habiles donnent des cours permanents et assurent des productions vendues sur place ou aux marchés des villes de la région. Des ateliers de filage et de tissage, en particulier un local où est établi un métier à tisser de vingt-cinq mètres de long et six mètres de large pour élaborer de grands tapis. Des mécaniciens, des ébénistes, des imprimeurs,.... tous des lépreux guéris, qui ont donc opté de communiquer leur savoir et leur joie à des handicapés moteurs, infirmes de naissance ou suite à des accidents, mais aussi aux sourds et aux mal-voyants, une véritable cour des miracles radieuse! Cependant d'autres lépreux, beaucoup plus touchés ou plus âgés se terrent dans des locaux annexes, à l'ombre et moins visibles, cachant mal leur détresse mais respectés et entourés. Alors que la lèpre est une maladie curable rapidement et sans trop de frais, il subsiste en Inde comme dans beaucoup d'autres pays, le tabou qui veut que cette maladie soit signe d'impureté et de punition divine. Les gens atteints de la lèpre se cachent, y compris dans les castes hautes, où elle est considérée comme une véritable opprobre. Les mentalités changeant lentement, l'Inde dénombre encore aujourd'hui 60 % des cas de lèpre dans le monde.
Soignés, il n'est guère facile ni possible pour des lépreux de retourner dans leur famille, aussi Baba Amte a-t-il fait en sorte que ceux-ci puissent rester sur place et se marier. Des bâtiments ont été construits pour accueillir des familles et donc aussi une maternité, des services sociaux et des écoles qui sont à la disposition des enfants des villages aborigènes. L'action sanitaire ne s'arrête pas aux résidents : l'équipe médicale, soutenue par des ONG et des associations européennes et américaines, pousse toujours plus loin l'aide à des populations reculées où la mortalité infantile est encore importante et la condition des femmes précaire.
Vivent sur place 1500 lépreux qui accueillent des infirmes, des sourds, des mal-voyants mais aussi des chômeurs, anciens tâcherons chez les gros propriétaires devenus inutiles suite à la mécanisation de plus en plus importante des terres agricoles et à l'instauration des monocultures industrielles. Nous en parlerons plus loin. Aux écoles pour les enfants de lépreux se sont ajoutés des collèges pour ceux des environs qui reçoivent là, outre une formation agricole élémentaire, une véritable "évangélisation gandhienne" pour apprendre à développer un monde nouveau.
Une carte postale, une scène rurale, assemblage de petits découpages multicolores en papier, écorces, pailles et feuilles séchées, voici l'oeuvre de ce bout de femme, assise dans le grand atelier à même le sol, son bébé occupé à jouer avec ses mains. Cette lépreuse comme tant d'autres a entendu le slogan de Baba Amte : « La force est entre nos mains », et même si cette main ne possède qu'un demi doigt la force, l'énergie et le courage pour s'en sortir résident et ne peuvent venir que de là. Baba Amte, quatre-vingt ans, au physique de star hollywoodienne, grand homme toujours vêtu de blanc, cheveux blancs et drus, est une manifestation et une confirmation à lui tout seul de son propre slogan hérité de Gandhi. Cet homme passe la moitié de son temps et ce, depuis quarante ans, couché dans un lit victime de déficience vertébrale et lorsqu'il n'est pas alité, une grosse gaine s'impose autour de ses reins : « La force est entre nos mains », voici l'illustration de l'énergie que peut développer un homme qui puise dans son handicap les réserves psychologiques et spirituelles pour inviter l'autre à se tenir debout et fier. Actuellement, Baba Amte est sur la Narmada, ce fleuve du Gujurat où la construction d'un énorme barrage a été arrêtée suite aux manifestations et aux actions répétées des tribunaux du peuple avec les frères Mazgoandar. C'est là qu'il habite avec quelques fidèles, comme un veilleur attentif au déroulement des événements, sentinelle et offrande à la fois, que les limites de l'âge et de la santé physique ne semblent guère atteindre.
Une petite promenade dans le village ne sera pas inutile, elle sera même un temps de beauté. Imaginez un champ de piments, végétaux de petite taille verts et rouges, à l'horizon de grands teks en haies, un ciel sans nuage, une vingtaine de femmes à la cueillette, aux saris multicolores et aériens, des oiseaux par bande voletant et criaillant, de timides envolées de poussières sur les chemins en terre battue sentant bon des odeurs inconnues, et puis là, à gauche, une arène rouge de piments séchant au soleil de midi et exhalant cette odeur d'épices à la fois prenante et légère. Au milieu de l'arène rouge deux hommes, noirs de peau, vêtus de pagnes blancs retournent négligemment des fourchées de piments secs. Plus loin un théâtre de verdure, un banian jeune mais robuste, sert de toit à une estrade de terre colorée d'ocre qui domine une placette ronde. Fuyant vers l'extérieur, des plantations de teks, d'eucalyptus, de manguiers comme des rayons se répétant chaque fois qu'un espace est libre...
Mais le bus nous attend pour Wardha, et à Wardha nos billets pour Madras, si toutefois le marchand de cacahuètes les a obtenus !... Anandwan restera un lieu magique, riche d'une humanité souffrante mais victorieuse, belle et pépinière de toute vie...
Forêt joyeuse et riante, merci.